Mésusage des fluoroquinolones
Contexte
Les fluoroquinolones (FQ) sont des antibiotiques à large spectre efficaces pour traiter de nombreuses infections. Toutefois, leur utilisation a été progressivement restreinte par des recommandations réglementaires et professionnelles en raison d’effets indésirables parfois graves. Cette évolution a conduit à une réévaluation régulière de leurs indications thérapeutiques par les autorités de santé. Cependant, malgré une baisse de leur prescription, leur emploi inapproprié demeure une préoccupation majeure.
Objectifs
L’objectif de cette étude était d’identifier la fréquence et les caractéristiques du mésusage des fluoroquinolones par voie orale chez les adultes, à partir des indications de prescriptions réalisées par des médecins généralistes au sein de la base THIN® en 2014, 2019 et 2023.
Méthodes
Il s’agit d’une étude observationnelle descriptive reposant sur les données de la base THIN® (The Health Improvement Network), une base de données européenne gérée par le groupe CEGEDIM (société CEGEDIM-GERS DATA). Elle est constituée de dossiers de santé électroniques anonymisés collectés auprès de médecins libéraux dans sept pays européens, dont la France depuis 2014. Les données sont obtenues directement à partir des logiciels d’aide à la prescription utilisés par les médecins. Le panel est constitué de plus de 3 000 médecins libéraux dont environ 2 000 médecins généralistes. La base française incluait en 2023 les dossiers médicaux de plus de 3 millions de patients ayant consulté au moins une fois un médecin de ce panel au cours de l’année. Les données anonymisées disponibles incluent des informations administratives et médicales dont les motifs de prescription.
Les prescriptions de fluoroquinolones orales par les médecins généralistes aux patients âgés de plus de 20 ans et plus ont été analysées en fonction de leur conformité à cinq référentiels successifs : AMM, recommandations SPILF 2015, HAS 2016, restrictions EMA 2018/2019 et recommandation HAS 2021. Les résultats ont été stratifiés par sexe, âge et molécule prescrite.
Résultats
Une diminution globale de 59 % du volume de prescriptions de fluoroquinolones par les médecins généralistes a été observée entre 2014 et 2023. Ceci est en accord avec les données du rapport EPI-PHARE sur l’utilisation des FQ entre 2014 et 2023, à partir de données du SNDS. La conformité des prescriptions variait fortement selon le référentiel utilisé : environ 75 % selon l’AMM ou la SPILF 2015, contre moins de 25 % avec les référentiels plus récents (HAS 2016 et 2021 et restrictions de l’EMA 2018/2019). Le mésusage apparaissait plus marqué chez les femmes et chez les sujets âgés de 75 ans et plus. En 2023, les plus fortes variations de conformité entre les anciennes et les nouvelles recommandations ont été observées pour les infections urinaires et prostatiques. La conformité diminue en effet d’environ 94 à 20%, principalement en raison des prescriptions pour cystites et autres infections urinaires féminines simples, dont les recommandations ont été profondément révisées. En comparaison, pour les infections respiratoires ou ORL, les taux de conformité demeurent globalement faibles, entre 20 et 40%, indépendamment du référentiel considéré.
Interprétation
Ces premiers résultats permettent de mieux quantifier le mésusage déjà identifié dans le rapport de pharmacovigilance de l’ANSM (publié en avril 2025). Ils rejoignent également les constats de l’étude européenne de Ly et al., menée à la demande de l’EMA, sur les prescriptions de fluoroquinolones entre 2016 et 2020. L’ensemble des données souligne la persistance d’écarts importants entre les pratiques cliniques et les recommandations actualisées.
Conclusions
Malgré une réduction importante du recours aux fluoroquinolones en médecine générale, leur prescription demeure fréquemment non conforme aux recommandations actualisées. La persistance de ces mésusages reflète un décalage entre les pratiques cliniques et les recommandations.
Étude du mésusage lié à l’indication des fluoroquinolones par voie orale chez les patients de 20 ans et plus par les médecins généralistes au sein de la base THIN® en 2014, 2019 et 2023