Le 26 juin 2023

Utilisation de progestatifs et risque de méningiome intracrânien

Utilisation de progestatifs et risque de méningiome intracrânien : une étude cas-témoins à partir des données du système national des données de santé (SNDS)

Contexte

L’utilisation prolongée et à dose élevée de 3 progestatifs – acétate de cyprotérone (≥ 25 mg/jour), de chlormadinone (2-10 mg/jour) et de nomégestrol (3,75-5 mg/jour) – augmente fortement le risque de méningiome intracrânien, ce qui a donné lieu à des recommandations de modération des prescriptions, et à des dépistages par imagerie cérébrale chez les utilisateurs. Au-delà de ces 3 progestatifs oraux, il s’avère nécessaire de savoir s’il existe un effet similaire avec d’autres progestatifs, selon diverses voies d’administration.

 

Objectif

Évaluer en vie réelle, chez les femmes, le risque de méningiome intracrânien opéré lié à l’utilisation de progestatifs par molécule (progestérone, médrogestone, acétate de médroxyprogestérone, dydrogestérone, promégestone, diénogest, dispositifs intra-utérins (DIU) au lévonorgestrel), et selon plusieurs voies d’administration (orale, percutanée, intra-vaginale, intramusculaire et en dispositif intra-utérin).

 

Méthode

Une étude cas-témoins a été menée à partir des données du Système National des Données de Santé (SNDS). Nous avons analysé l’ensemble des cas de femmes ayant été opérées d’un méningiome intracrânien entre 2009 et 2018. Pour chaque cas, la date index a été la date d’entrée du séjour hospitalier relatif à l’intervention. Par ailleurs, les femmes ayant eu un début de grossesse dans les 2 ans avant la date index ont été exclues de l’étude.
A chaque cas ont été associées aléatoirement 5 femmes témoins qui n’avaient pas été opérées pour méningiome jusqu’à la date index, en appariant sur l’année de naissance et sur le département de résidence, selon l’approche du risk set sampling. Pour les progestatifs délivrés par voie orale, percutanée, intra-vaginale ou intramusculaire, l’exposition a été définie par au moins une délivrance dans l’année glissante avant la date index. Pour les DIU, une délivrance a été recherchée dans les 3 ans avant la date index pour le dosage à 13,5 mg de lévonorgestrel, et dans les 5 ans avant pour le dosage à 52 mg, selon les recommandations respectives en vigueur en matière de renouvellement et/ou retrait de dispositif.
En utilisant des modèles de régression logistique conditionnelle, nous avons calculé, pour chaque progestatif d’intérêt, l’odds ratio (OR) estimant l’association entre l’exposition antérieure à ce progestatif et le risque de méningiome intracrânien. Pour ce faire, nous avons séparé toute exposition antérieure et/ou simultanée à l’acétate de cyprotérone, de chlormadinone et/ou de nomégestrol, pour éviter le biais de confusion lié à leur utilisation. Nous avons également calculé la fraction de cas attribuables de méningiomes opérés dans la population (FAP), qui se rapporte à l’ensemble des cas, indépendamment de l’exposition ; elle a été estimée à partir de l’OR obtenu pour chaque progestatif. Enfin, des analyses de sensibilité ont été effectuées : stratification par âge (5 classes d’âge : <35 ans, 35-44 ans, 45-54 ans, 55-64 ans et ≥ 65 ans), par localisation (étage antérieur, moyen ou postérieur de la base du crâne, convexité, faux du cerveau et tente du cervelet, autres) et par grade de sévérité des tumeurs (bénin, atypique, malin).

 

Résultats

Au total 18 061 femmes opérées d’un méningiome ont été incluses dans l’étude, appariées avec 90 305 femmes témoins (15 162 cas et 75 810 témoins pour les DIU à 52 mg sur une période restreinte 2011-2018, et 4 048 cas et 20 240 témoins pour les DIU à 13,5 mg sur une période restreinte 2017-2018).
Parmi les 18 061 cas, 329 (1,8%) ont utilisé de la progestérone par voie orale ou intra-vaginale avant la date index, 90 (0,5%) de la progestérone par voie percutanée, 42 (0,2%) de la médrogestone 5 mg, 156 (0,9%) de la dydrogestérone, 9 (0,05%) de l’acétate de médroxyprogestérone 150 mg, 83 (0,5%) de la promégestone 0,5 mg, 566 (3,7%) le DIU à 52 mg de lévonorgestrel, et 10 (0,2%) le DIU à 13,5 mg.
Un sur-risque de méningiome a été observé pour l’exposition à la médrogestone (OR de 3,49 [intervalle de confiance à 95% 2,38-5,10]), à l’acétate de médroxyprogestérone (OR de 5,55 [2,27-13,56]), et à la promégestone (OR de 2,39 [1,85-3,09]).
En revanche, les expositions à la progestérone (par voies orale/intra-vaginale ou percutanée) et à la dydrogestérone n’ont pas été associées significativement à un sur-risque de chirurgie de méningiome intracrânien (respectivement : OR de 0,88 [0,78-0,99], OR de 1,11 [0,89-1,40], OR de 0,96 [0,81-1,14]), de même que l’exposition au DIU à 52 mg (OR de 0,94 [0,86-1,04]) et à 13,5 mg (OR de 1,39 [0,70-2,77]). Enfin, du fait de l’absence de remboursement du diénogest seul pendant la période d’étude et de la faible prévalence du diénogest associé à l’estradiol, cette étude ne peut conclure sur la présence ou l’absence de risque de méningiome associé au diénogest.
Pour les trois progestatifs avec un sur-risque de méningiome (médrogestone, acétate de médroxyprogestérone et promégestone), le sur-risque associé à un usage prolongé (≥1 an) a été plus élevé que celui mesuré pour toutes durées d’exposition confondues (courtes et prolongées) (respectivement : OR 4,08 [2,72-6,10] ; 5,62 [2,19-14,42] et 2,74 [2,04-3,67]). Il existait un sur-risque de méningiome de l’étage moyen de la base du crâne particulièrement élevé pour la médrogestone (OR de 8,30 [3,70-18,63]). Le sur-risque des cas exposés à la promégestone était un peu plus important dans la tranche d’âge des plus de 65 ans (OR de 3,21 [1,39-7,43]) et pour les méningiomes situés dans l’étage antérieur ou moyen de la base du crâne (respectivement OR de 3,15 [1,95-5 ,10] et OR de 3,03 [1,82-5,02]). La FAP des méningiomes exposés à la médrogestone, la promégestone et à l’acétate de médroxyprogestérone était respectivement de 0,2%, 0,3 % et 0,04% (de l’ensemble des cas), correspondant respectivement à 30, 48 et 7 cas de méningiomes opérés durant la période 2009-2018.
Par ailleurs cette étude a retrouvé comme attendu des risques élevés de méningiome opéré pour l’utilisation prolongée d’acétate de cyprotérone (OR de 24,54 [20,85-28,88]), de nomégestrol (OR de 7,54 [6,76-8,41]) et de chlormadinone (OR de 5,55 [4,90-6,28]). Le nombre de cas attribuables à l’exposition à ces progestatifs a été estimé à 845, 737 et 466 cas, respectivement.

 

Conclusions

Cette vaste étude épidémiologique confirme à nouveau un effet des progestatifs sur le risque de méningiome intracrânien opéré. Les utilisations prolongées de promégestone 0,5 mg (OR de 2,7), de médrogestone 5 mg (OR de 4,1), et d’acétate de médroxyprogestérone 150 mg (OR de 5,6) sont retrouvées associées au risque de méningiome. Pour ce dernier produit, l’amplitude mesurée de risque relatif se situe au niveau de celle de l’acétate de chlormadinone (OR de 5,5) et en deçà de celle de l’acétate de nomégestrol (OR de 7,5) et de celle de l’acétate de cyprotérone (OR de 24,5). A contrario les résultats sur le DIU au lévonorgestrel 52 mg, un contraceptif largement utilisé, sont très rassurants et en faveur de l’absence de risque de méningiome. De même, l’utilisation de la progestérone par voie orale, intra-vaginale ou par voie percutanée, ainsi que de la dydrogestérone n’a pas été associée à un sur-risque de méningiome (OR de 0,88, 1,11 et 0,96, respectivement). Des études complémentaires sur l’utilisation du diénogest, remboursé seulement depuis 2020, sont à envisager.

Téléchargement du rapport d'étude

Utilisation de progestatifs et risque de méningiome intracrânien : une étude cas-témoins à partir des données du système national des données de santé (SNDS)