Le 21 avril 2020

Covid-19 : usage des médicaments de ville en France

Rapport 1 : Point de situation sur les deux premières semaines de confinement

 

Dans le contexte sanitaire exceptionnel actuel, ce travail quantifie l’évolution de l’utilisation des médicaments prescrits en lien ou non avec le Covid-19 en France depuis le début de l’épidémie.

 

En se basant sur les données de remboursement du système national des données de santé (SNDS), le nombre de consommants par classe thérapeutique a été mesuré chaque semaine de début janvier à fin mars 2020, et ce nombre observé a été comparé au nombre « attendu » de consommants pour la période depuis mars 2020.

 

Les semaines 12 (du 16 au 22 mars 2020) et 13 (du 23 au 29 mars 2020), qui correspondent aux deux premières semaines de confinement, ont été marquées par une très forte croissance des délivrances sur ordonnance en pharmacie de médicaments des maladies chroniques (médicaments des pathologies cardiovasculaires, du diabète, des troubles mentaux notamment).

 

Cette augmentation est très supérieure à ce qui aurait été attendu en situation habituelle, avec un surcroît du nombre de patients ayant eu une délivrance atteignant + 20 à + 40% selon les classes thérapeutiques. Ainsi, près de 600 000 personnes supplémentaires se sont rendues en pharmacie pour la délivrance d’un antihypertenseur en semaine 12 et 470 000 en semaine 13. Les chiffres atteignent respectivement 230 000 et 175 000 pour les antidiabétiques, et 270 000 et 220 000 pour les statines. Pour les médicaments des troubles mentaux l’augmentation a été d’une amplitude moindre mais a néanmoins atteint + 22% pour les antidépresseurs en semaine 12, soit + 182 000 personnes, et + 21,5% pour les antipsychotiques en semaine 13, soit + 50 000 personnes. L’augmentation a aussi concerné les antirétroviraux VIH (+ 32% en semaine 12), les antiparkinsoniens (+ 20%), les antiépileptiques (+ 25%), les produits à base de lévothyroxine (+ 41%), les traitements des maladies obstructives respiratoires (+ 46%), et les inhibiteurs de la pompe à protons (+ 17%). La contraception orale a également fait l’objet d’une nette augmentation (+ 45,3% en semaine 12, soit + 140 000 femmes).

 

À contrario, les délivrances de médicaments dont l’administration nécessite le recours à un professionnel de santé ont baissé en semaines 12 et 13. Ceci inclut les vaccins (- 50 à – 70% pour les vaccins anti HPV, le ROR et les vaccins antitétaniques et – 23% pour les vaccins penta / hexavalents des nourrissons en semaine 13), les anti-VEGF indiqués par injection intraoculaire dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (- 13% en semaine 12 et – 40% en semaine 13), les DIU (stérilets) avec progestatif (- 10% en semaine 12 et – 59% en semaine 13) et les produits destinés aux actes diagnostiques médicaux (préparations pour coloscopie, produits iodés pour scanner, produits de contraste pour IRM) qui ont chuté de 20% en semaine 12 et de 60% en semaine 13.

 

Pour les médicaments en lien avec le Covid-19, les délivrances de paracétamol ont été plus élevées qu’attendu, et ce dès février 2020, pour atteindre une augmentation d’un million et demi de personnes en semaines 12 et 13. En revanche, les délivrances d’AINS ont connu une forte baisse en semaine 13 (- 60%, soit 500 000 personnes). Ce phénomène est en grande partie expliqué par la chute des délivrances d’ibuprofène (largement utilisé pour ses propriété antipyrétiques), probablement en lien avec la mise en garde concernant l’utilisation des antiinflammatoires émise par les autorités sanitaires. Le nombre de personnes avec délivrance sur ordonnance de Chloroquine/Hydroxychloroquine a fortement augmenté, particulièrement en Île-de-France et en Provence-Alpes-Côte d’Azur : à partir de fin février pour la chloroquine, avec un pic le 27 février ; et à partir de la semaine 10 pour l’hydroxychloroquine (+ 21% en semaine 10 puis + 70% et + 145% en semaines 12 et 13).

 

Nos résultats mettent en évidence un phénomène de « stockage » pour les traitements de pathologies chroniques au cours de la deuxième quinzaine de mars comme observé dans d’autres domaines de la consommation. La possession de médicaments actifs en quantité suffisante ne veut néanmoins pas dire que les adaptations thérapeutiques fines des doses nécessaires pour certains traitements, comme l’insuline, les anticoagulants et les antihypertenseurs ont été réalisées.

 

On constate une très forte diminution de produits qui nécessitent une administration par un professionnel de santé, notamment les vaccins – reflétant possiblement une prise de retard dans le calendrier vaccinal – mais aussi les produits pour les colonoscopies, scanners et IRM. Ces examens non pratiqués, indispensables pour diagnostiquer certains cancers ou maladies graves, pourraient entrainer des retards de prise en charge si la situation venait à se prolonger.

 

En outre, cette étude fournit des informations précises sur les produits prescrits en lien avec l’infection à SARS-CoV-2 (paracétamol, chloroquine, hydroxychloroquine et azithromycine). Cette surveillance à partir des données de remboursement est importante et sera poursuivie dans les prochaines semaines.

 

 

Retrouvez le rapport d’étude sur l’usage des médicaments de ville en France durant l’épidémie de Covid-19 – point de situation à la fin mars 2020