Le 12 juin 2020

Covid-19 : usage des médicaments de ville en France

Rapport 3 : Point de situation à la fin du confinement

EPI-PHARE publie une mise à jour de son étude sur la dispensation de médicaments remboursés sur ordonnance en pharmacie d’officine depuis le début de l’épidémie en France.

 

Qu’est-ce que l’on savait déjà sur le sujet après les deux premières semaines de confinement en France ?

  • Après un stockage initial de médicaments, au début du confinement, pour les pathologies chroniques, on a observé une sous-consommation avant un retour vers une consommation plus normalisée en semaine 16 (13-19 avril).

 

  • Pour les traitements dont l’administration nécessite impérativement le recours physique à un professionnel de santé il y a eu un effondrement de la consommation sur toute la période initiale du confinement : -35% à -71% pour les vaccins ; -40% pour le traitement ophtalmologique de la DMLA, -68% pour les dispositifs contraceptifs intra-utérins (DIU, stérilets) avec progestatif. Les produits destinés aux actes diagnostiques médicaux : préparations pour coloscopie (-82%), produits iodés pour scanner (-66%), produits de contraste pour IRM (-67%) ont également connu une forte baisse.

 

  • Une forte baisse de consommation durant le confinement était constatée pour d’autres traitements médicamenteux pouvant être prescrits en aigu ou en chronique : corticothérapie orale (-64%), AINS (-70%), antibiothérapie systémique (-37%), antiulcéreux de type inhibiteurs de la pompe à proton ou IPP (-13%).

 

  • Pour le traitement de la Covid-19 les achats sur prescriptions médicales de chloroquine et hydroxychloroquine ont été limités dans le temps, en lien avec la médiatisation de ces traitements potentiels (pics respectivement le 27 février et le 8 mars) ; la dispensation d’ibuprofène a été quasiment arrêtée à la suite des messages des autorités sanitaires, tandis que la délivrance sur ordonnance de paracétamol a concerné jusqu’à un million de patients par jour le 16 mars.

 

  • Il existait des particularités pour certaines populations : pour les personnes résidant dans les zones favorisées socialement on observait une tendance à un plus grand recours à l’hydroxychloroquine, et un taux de stockage des médicaments de pathologies chroniques un peu supérieur. Les enfants ont été peu médicalisés durant le confinement, constat pouvant s’expliquer par un possible effet de l’arrêt de la circulation de tous les virus (hors SARS-CoV-2) et autres agents infectieux avec la fermeture des crèches et établissements scolaires, mais aussi une moindre vaccination et une baisse importante de certaines prises en charge.

 

Qu’est-ce que l’étude apporte de nouveau après 8 semaines de confinement en France et la première semaine de post-confinement ?

  • L’épidémie de Covid-19 a profondément et durablement déstabilisé la consommation de médicaments de ville en France.

 

  • Si pour les pathologies chroniques le stockage initial de médicaments pouvait être estimé plus rassurant que l’inverse, il ne doit pas masquer la forte baisse d’une moitié environ de l’instauration de traitements pour de nouveaux patients pendant le confinement (-39% pour les antihypertenseurs, -48,5% pour les antidiabétiques et -49% pour les statines). Ces observations corroborent le déficit de diagnostics d’infarctus et d’AVC durant le confinement, mais aussi la très forte diminution de l’activité de médecine générale hors Covid-19 et ce malgré le développement des téléconsultations. Ces baisses correspondaient à plus de 100 000 patients hypertendus, 37 500 diabétiques et 70 000 personnes relevant d’un traitement par statines.

 

  • La confiance dans les IEC et sartans, deux antihypertenseurs majeurs dont on avait cru dans une premier temps qu’ils majoraient le risque de covid-19 et/ou sa gravité potentille , étaient revenue après plusieurs études semblant lever les doutes initiaux dans ce contexte épidémique.

 

  • Cette nouvelle étude a confirmé une très forte diminution de la délivrance et de l’utilisation de produits qui nécessitent une administration par un professionnel de santé, notamment les vaccins, sans qu’il y ait de début de rattrapage. Au contraire la consommation observée continue chaque semaine d’être très inférieure à la consommation attendue. Les examens non pratiqués de coloscopies (-180 000), IRM (-202 366), scanner (­-375 000) indispensables pour diagnostiquer certains cancers ou maladies graves en poussée, pourraient entraîner des retards de prise en charge.

 

  • L’hydroxychloroquine, en dehors de ses indications classiques comme dans le lupus et la polyarthrite rhumatoïde, n’était pratiquement plus prescrite ni remboursée en ville durant les 3 dernières semaines de confinement et durant la première semaine post confinement.

 

  • L’effondrement de l’utilisation de l’antibiothérapie restait spectaculaire et constante chez les enfants (-765 000 traitements antibiotiques durant le confinement chez les 0 à 19 ans par rapport à l’attendu). Il est en lien possible avec l’arrêt de la circulation de tous les virus (hors SARS-CoV-2) et autres agents infectieux consécutif à la fermeture des crèches et écoles.

 

  • Pour la contraception d’urgence et la procréation médicalement assistée, une moindre prise en charge a perduré tout au long de la période de l’épidémie de Covid-19.

 

  • Parmi les classes thérapeutiques dont l’utilisation a augmenté en fin de confinement et lors de la première semaine de post confinement il faut souligner les hypnotiques (+6,9% en post confinement par rapport à l’attendu) et à un degré moindre les anxiolytiques (+1,2% en post confinement). Les affiliés à l’assurance maladie française, comme plusieurs enquêtes le soulignent, ont éprouvé en nombre important avec le confinement et ses conséquences professionnelles, économiques, avec la maladie voire le décès de proches, des troubles manifestes du sommeil et de l’anxiété.  Les antidépresseurs n’étaient toutefois pas concernés par cette hausse à l’issue immédiate de la période de confinement.

 

  • Cette surveillance à partir des données de remboursement de l’assurance maladie est essentielle et sera poursuivie jusqu’à un retour à une situation normalisée. Elle est importante dans plusieurs domaines, notamment pour les vaccins et les produits à visée de diagnostic et de prévention, la contraception, pour les maladies chroniques à risque de complications sévères, pour les maladies psychiatriques, ou autres maladies à risque de décompensation par le confinement.

 

Téléchargement du rapport d'étude

Retrouvez le 3ème rapport d’étude sur l’usage des médicaments de ville en France durant l’épidémie de Covid-19 – point de situation après 8 semaines de confinement et 1 semaine post-confinement