Le 9 octobre 2020

Covid-19 : usage des médicaments de ville en France

Rapport 4 : Point de situation au 13 septembre 2020

EPI-PHARE publie une mise à jour de son étude sur la dispensation de médicaments remboursés sur ordonnance en pharmacie d’officine depuis le début de l’épidémie en France.

 

Qu’est-ce que l’étude apporte après les 8 semaines de confinement et les 18 semaines post-confinement en France, soit jusqu’au 13 septembre 2020 ?

  • L’épidémie de Covid-19 avec toutes ses conséquences organisationnelles dans la filière de soins et sur la population en général a profondément déstabilisé la consommation de médicaments de ville en France.

 

  • EPI-PHARE réalise depuis le début du confinement le suivi de la consommation des médicaments sur ordonnance délivrés en ville en France pour de l’ensemble de la population française, à partir des données du Système National des Données de Santé (SNDS). Ce rapport couvre la période de confinement national (semaines 12 à 19 du 16 mars 2020 au 10 mai 2020) et de post-confinement jusqu’au 13 septembre 2020, soit au total un suivi de six mois. Ce suivi est régulièrement actualisé dans le temps.
  • Au début du confinement du 16 au 29 mars il a été observé pour les pathologies chroniques cardiovasculaire et le diabète un stockage de médicaments (de +20 à +40% selon les classes thérapeutiques par rapport à l’attendu). Par la suite une sous-consommation a été constatée avant un retour vers une consommation plus normalisée dans la plupart des classes thérapeutiques à la fin de confinement. Toutefois deux exceptions étaient notables sur la période de six mois : les statines avec -300 000 traitements délivrés et les anticoagulants avec -230 000 traitements, probablement en raison du report de nombreuses interventions chirurgicales nécessitant ce type de traitement.

 

  • L’instauration de traitements cardiovasculaires et antidiabétiques (nouveaux malades) a fortement diminué durant le confinement (de -15% pour l’insuline à -43% pour les anticoagulants). Sur une période de six mois à partir de la mi-mars, la baisse de l’instauration atteignait ou dépassait -10% par rapport à l’année précédente pour les statines (-10%), le furosémide donné dans l’insuffisance cardiaque ou rénale (-12%), les antiagrégants plaquettaires (-14%, peut être en lien avec la baisse des infarctus), les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (-15%) suspectés au début de favoriser la Covid-19 et les anticoagulants (-18%). A l’inverse la baisse de l’instauration de l’insuline (-2%) et des antihypertenseurs en général (-4%) par rapport à l’année précédente était faible.

 

  • Parmi les médicaments dont la consommation a au contraire augmenté, en fin de confinement et durant la période qui a suivi, figuraient des médicaments des troubles mentaux : les anxiolytiques (augmentation de +1,1 million de traitements délivrés en six mois par rapport à l’attendu) et les hypnotiques +480 000 traitements délivrés. Les antidépresseurs sont restés à un niveau stable. La délivrance de médicaments de la dépendance à l’alcool a été stable durant et après le confinement, celle de la dépendance aux opiacés en augmentation après le confinement (+17 000 délivrances en six mois) et celle des substituts nicotiniques en forte baisse (-275 000 délivrances en six mois). Les instaurations (nouveaux patients) d’anxiolytiques et d’hypnotiques étaient à un niveau supérieur à l’année précédente (+5% et +3% respectivement) malgré la relative difficulté pour consulter un médecin, voire la peur de le déranger ou le risque de contagiosité en dehors des téléconsultations.

 

  • Pour d’autres traitements de maladies chroniques comme l’épilepsie, la maladie de Parkinson, la sclérose en plaques, l’hypothyroïdie et les traitements médicamenteux en ville du cancer (imatinib, inhibiteur de l’aromatase, antalgiques de niveau 3), la délivrance des traitements était globalement stable.

 

  • La ciclosporine – immunosuppresseur utilisé dans la greffe d’organe notamment, l’érythropoïétine (EPO) utilisée notamment dans l’anémie de l’insuffisance rénale, de cancer, les traitements du psoriasis et les antalgiques de niveau 2 étaient en baisse relative. Pour la ciclosporine, la consommation était en baisse sur toute la période de confinement et de post-confinement avec un total de -7 200 délivrances par rapport à l’attendu.

 

  • Plusieurs classes thérapeutiques usuelles ont subi un effondrement marqué : les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS, déconseillés avec la Covid) avec -7,2 millions de traitements délivrés, les antiulcéreux de type inhibiteurs de la pompe à protons (IPP, souvent associés aux AINS ; -2,8 millions), la corticothérapie orale (utilisée pour les affections aiguës ORL, affections inflammatoires… ; -3,6 millions), le paracétamol (-1,4 million), les antibiotiques de la classe ATC J01 (-4,1 millions de traitements) en lien possible avec la diminution de la circulation des virus (hors SARS-CoV-2) et autres agents infectieux consécutive à la fermeture des crèches et écoles, à la distanciation sociale et au port du masque.

 

  • Cette étude confirme une très forte diminution de la délivrance et de l’utilisation de produits qui nécessitent une administration par un professionnel de santé. Cet effondrement de la consommation sur toute la période du confinement et après ne fait pas l’objet d’un rattrapage à ce jour. On comptabilise -75 000 doses pour injections intraoculaires d’anti VEGF dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) ou dans l’oedème maculaire diabétiques (-4 000 instaurations), -14 000 dispositifs intra-utérins (stérilets) avec progestatifs, -250 000 préparations pour coloscopie, -500 000 produits iodés pour scanner, -280 000 produits de contraste pour IRM. La chute, non rattrapable, de ces trois derniers actes indispensables pour diagnostiquer certains cancers ou maladies graves en poussée, conduisent avec l’ensemble de la filière de cancérologie et de médecine de spécialité à des retards conséquents de prise en charge.

 

  • La vaccination accuse également un fort déficit au 13 septembre six mois après le début du confinement : vaccins penta/hexavalents pour nourrissons (-40 000 doses), vaccins anti-HPV (-150 000 doses), vaccin ROR [Rougeole-Oreillons-Rubéole] (-130 000 doses), vaccin antitétanique (-620 000 doses).

 

  • Les résultats sont détaillés dans le rapport et les résultats par région, genre, âge et indice de défavorisation sont présentés dans les annexes. Il existe notamment un impact de l’épidémie de Covid-19 plus important chez les 0-19 ans dans le sens d’une baisse de la consommation médicamenteuse plus importante que pour le reste de la population.

 

  • Au total, durant les six mois qui ont suivi le début du confinement lié à l’épidémie de Covid-19 dans l’ensemble il n’y pas eu de manque notable de médicaments pour les pathologies chroniques déjà traitées, probablement parce que les patients ont eu le droit d’utiliser des ordonnances « périmées » et aussi grâce au recours aux téléconsultations. C’est le cas notamment pour les antihypertenseurs, les antidiabétiques dont l’insuline et les antiépileptiques… Rien ne prouve néanmoins que les adaptations thérapeutiques nécessaires aient été réalisées. Pour les nouveaux malades, un déficit de mise en route des traitements, plus ou moins important selon les classes thérapeutiques, a été constaté. D’autres baisses marquantes d’utilisation sont également constatées pour les antibiotiques, les AINS, les antiulcéreux de type IPP et les corticoïdes oraux. Elles témoignent en partie de la bonne compréhension de messages des autorités sanitaires sur les possibles effets délétères de certains produits sur la Covid.

 

  • Toutefois deux classes thérapeutiques de médicaments des troubles mentaux, les anxiolytiques et les hypnotiques, ont vu leur consommation et leur instauration accrues de façon persistante pendant et au décours du confinement. Cette augmentation reflète probablement l’impact psychologique important de l’épidémie de Covid-19 et de ses conséquences sociales, professionnelles et économiques.

 

  • Le retard observé en termes de traitements nécessitant une administration par un professionnel de santé comme le traitement de la DMLA ou encore d’explorations fonctionnelles notamment par voie endoscopique ou par imagerie médicale ne pourra pas être comblé en 2020, nécessitant une programmation à moyen et long terme, voire une adaptation de certaines indications à l’offre de soins nécessairement plus réduite. Enfin, le retard observé en termes de vaccination sera difficilement comblé en 2020.
Téléchargement du rapport d'étude

Retrouvez le 4ème rapport d’étude sur l’usage des médicaments de ville en France durant l’épidémie de Covid-19 – point de situation jusqu’au 13 septembre 2020