Caractéristiques associées au risque résiduel de forme sévère de COVID-19 après un schéma vaccinal complet en France
Contexte
Avant la disponibilité des vaccins, les principaux facteurs de risque d’hospitalisation et/ou de décès pour COVID-19 étaient de loin l’âge, ainsi que certaines comorbidités telles que l’obésité, le diabète, la trisomie 21, le retard mental, la transplantation rénale ou pulmonaire, l’insuffisance rénale chronique terminale en dialyse ou le cancer actif du poumon. Les vaccins ont une efficacité majeure (de l’ordre de 90%) pour prévenir les formes sévères de COVID-19, mais il se pose la question d’une meilleure compréhension des facteurs de risque résiduel de certains groupes de la population.
Objectif
Identifier les caractéristiques sociodémographiques et médicales associées au risque d’hospitalisation et de décès hospitalier pour COVID-19 en France après un schéma vaccinal complet fin juillet 2021 (deux doses de vaccin ou un épisode de covid avec une dose de vaccin) [1].
Méthodes
L’étude, basée sur les données de la base nationale de vaccination COVID-19 VAC-SI couplées au Système national des données de santé (SNDS – données exhaustives de remboursement et d’hospitalisation en France), a porté sur l’ensemble des personnes ayant eu un schéma vaccinal complet avec les vaccins de Pfizer-BioNTech, Moderna ou AstraZeneca en France au 31 juillet 2021 (données disponibles avec un recul minimum d’un mois à l’initiation de ce travail). Chaque personne a été suivie à partir du 14e jour après la 2nde injection (ou du 14e jour après la 1ère injection pour les personnes ayant été préalablement testées positives ou hospitalisées pour COVID-19), jusqu’à hospitalisation pour COVID-19, décès ou jusqu’au 31 août 2021. Des modèles de Cox ont été utilisés pour estimer les Hasards Ratios ajustés (HRa) d’hospitalisation et de décès hospitalier pour COVID-19 associés aux caractéristiques sociodémographiques (âge, sexe, indice de défavorisation sociale) et médicales (comorbidités chroniques, traitement immunosuppresseur ou par corticoïdes oraux) après un schéma vaccinal complet.
Résultats
Un total de 28 031 641 personnes avec un schéma vaccinal complet au 31 juillet 2021 ont été incluses et suivies pendant en moyenne 80 jours (soit environ 2 milliards de personnes-jours). Au cours de ce suivi, 5 345 (19 pour 100 000) ont été hospitalisées et 996 (4 pour 100 000) sont décédées à l’hôpital pour COVID-19.
Dans cette population de sujets vaccinés, les risques d’hospitalisation et de décès hospitalier pour COVID-19 étaient associés à l’âge (par exemple, par rapport aux personnes de 45-54 ans, celles âgées de 85-89 ans avaient un risque 4 fois plus élevé d’être hospitalisées pour COVID-19 (HRa 4,0 [3,5- 4,7]) et 38 fois plus élevé de décéder (HRa 38,0 [19,2- 75,2])), au sexe (les hommes avaient un risque d’hospitalisation 1,6 fois plus élevé (HRa 1,6 [1,5-1,7]) et un risque de décès 2 fois plus élevé (HRa 2,0 [1,7-2,3]) que les femmes) et au niveau de défavorisation sociale (les personnes résidant dans les communes les plus défavorisées avaient un risque d’hospitalisation 1,3 fois plus élevé (HRa 1,3 [1,2-1,4]) et un risque de décès 1,5 fois plus élevé (HRa 1,5 [1,2-1,9]) que celles des communes les plus favorisées).
Les 47 affections chroniques étaient positivement associées à des risques accrus d’hospitalisation pour COVID-19 à l’exception de la dyslipidémie traitée qui était négativement associée, et une majorité à un léger sur-risque de décès. Les associations les plus fortes étaient retrouvées pour la transplantation rénale (HRa 32,1 [28,0-36,9] et 33,9 [24,2-47,4]), la transplantation du poumon (HRa 13,7 [8,1-23,2] et 11,4 [1,5-88,5]), l’insuffisance rénale en dialyse (HRa 7,0 [5,9-8,2] et HRa 8,6 [6,3-11,7]), la mucoviscidose (HRa 6,3 [3,4-11,7] et 9,6 [1,3-73,4]), la trisomie 21 (HRa 3,9 [2,1- 7,3] et 45,1 [16,0-127,1]), le retard mental (HRa 3,6 [2,5-5,0] et 3,1 [1,0-10,0]) et le cancer actif du poumon (HRa 3,5 [2,7-4,4] et 6,5 [4,2-10,0]).
Les risques d’hospitalisation et de décès hospitalier pour COVID-19 étaient également augmentés chez les personnes vaccinées traitées par immunosuppresseurs (HRa 3,3 [2,8-3,8] et 2,4 [1,7-3,5], respectivement) ou corticoïdes oraux (HRa 2,8 [2,5-3,1] et 4,1 [3,3-5,1]).
Parmi les personnes hospitalisés pour COVID-19 après un schéma vaccinal complet, moins de 10% n’avaient aucune comorbidité identifiée, 12% présentaient une comorbidité, 16% deux comorbidités, 18% trois comorbidités, 16% quatre comorbidités et 27% cinq comorbidités ou plus. Parmi les personnes décédées au cours d’un séjour pour COVID-19 après un schéma vaccinal complet, ces proportions étaient respectivement de 2%, 7%, 14%, 19%, 19% et 39%. Les risques d’hospitalisation et de décès hospitalier pour COVID-19 augmentaient fortement avec le nombre de comorbidités : après ajustement, les patients vaccinés présentant une seule comorbidité étaient 2 fois plus à risque d’être hospitalisés pour COVID-19 (HRa 2,2 [2,0-2,5]) en comparaison aux patients vaccinés sans comorbidité identifiée. Le risque d’hospitalisation était respectivement triplé (HRa 3,8 [3,4- 4,3]) chez les patients vaccinés présentant 2 comorbidités, quintuplé (HRa 5,4 [4,8-6,1]) chez les patients vaccinés présentant 3 comorbidités, septuplé (HRa 7,8 [6,9-8,9]) chez les patients vaccinés présentant 4 comorbidités et multiplié par 13 (HRa 13,8 [12,2-15,6]) chez les patients vaccinés présentant 5 comorbidités.
Conclusion
Sur la base des données nationales exhaustives de vaccination, de remboursement et d’hospitalisation, cette étude a mis en évidence la très faible fréquence des cas d’hospitalisation et de décès pour COVID-19 survenus sur la période de suivi à l’échelle de l’ensemble des personnes vaccinées en France au 31 juillet 2021. Le risque résiduel de forme sévère du COVID-19 après un schéma vaccinal complet restait fortement associé à l’âge et à la prise d’immunosuppresseurs ou de corticoïdes oraux. Ce risque augmentait fortement avec le nombre de comorbidités et les personnes vaccinées sans comorbidité représentaient une faible proportion des hospitalisations pour COVID et des décès.
Ces résultats suggèrent l’importance de la vaccination et des mesures de prévention complémentaires pour éviter un risque résiduel de formes sévères de COVID-19 chez les personnes vaccinées, en particulier les populations âgées, immunodéprimées et/ou polypathologiques.
[1] La dose de rappel n’a débuté qu’en septembre 2021 pour les plus de 65 ans et personnes présentant des comorbidités
Caractéristiques associées au risque résiduel de forme sévère de COVID-19 après un schéma vaccinal complet en France
Semenzato, L. et al. (2022). The Lancet Regional Health – Europe, 19, 100441.